Concept

Augusto Foldi
Tiroirs, miroirs, histoires

Partitions de musique, pages de romans, cartes de géographique… Depuis trente ans, une part de l’œuvre dessiné d’Augusto Foldi se développe, selon une démarche apparentée au surréalisme, sur des feuilles imprimées, chinées dans les marchés aux puces, les brocantes, les magasins d’antiquités.
Cultivant une relation privilégiée avec la mémoire et ses secrets, l’artiste s’empare de telles parcelles d’aventures, légèrement désuètes, quasiment ignorées, pour en faire le support de déambulations graphiques et visionnaires.
Chaque portée de notes, morceau de phrase ou ligne de côte maritime choisie, recadrée, constitue la zone d’embarquement d’une expérience poétique et plastique. Surgissant en écho au document collecté, le subvertissant sans le faire disparaître, le dessin lui octroie une seconde vie. Prenant de l’ampleur, le motif qui s’impose dialogue avec les lignes imprimées. Il tisse avec elles des réseaux inédits.


Et voici que se plantent des corps monumentaux et nus, des divinités intemporelles, des héros impassibles. Toisant le monde terrestre incarné par les supports choisis, ces géants vaquent tranquillement à leurs occupations. Ils rêvent, méditent, pêchent des oursins, font la cour…

Ils trônent, nobles et sereins, évidents. Subitement incarnés, ils semblent cependant occuper une place qui leur revient définitivement. Comme si, invisibles auparavant, ils avaient toujours vécu parmi les marges de telles publications humaines ; tapis entre deux portées, deux lignes, deux frontières. Comme si, dans les coulisses des informations que nous faisons circuler, de tels guetteurs entretenaient secrètement un Paradis jamais vraiment perdu.


Foldi évoque ainsi la curieuse matière de notre mémoire, incolore mais persistante, qui n’attendait que l’artiste pour se manifester. Au fil d’une sonate de Bach, d’un roman de Balzac ou du fleuve Amour, surgissent de fait tous les absents qui nous sont chers : nos ancêtres, nos dieux.

Parmi les œuvres récentes, tracées en travers de cartes terrestres, la Déesse mère se penche sur un archipel indonésien tandis que Poséidon, accompagné de Trois Grâces, protège l’Atlantique, et que la Sainte Famille marque une pause au cœur du Liban. Chacun de ces dessins est en fait un « miroir » qui, moins que des reflets, nous transmet des révélations. Moins que les géographies de surfaces avérées, il illumine les profondeurs d’histoires rêvées.

Ce que ces « miroirs » dévoilent n’a rien à voir avec les anecdotes de nos visages. Regardons-les bien. Regardons-les mieux. Le monde qui nous saute alors aux yeux – le nôtre - apparaît comme un jeu d’ombres ; comme l’ensemble des représentations romantiques que nous nous en faisons ; des accords de notes, de mots, d’images ; et, entre eux, des silences, des espaces, des blancs, qui constituent autant de repères pour nos mystères. Voici nous.

Françoise Monnin,
Lisbonne, février 2009.